vendredi 23 décembre 2011

ALDJIA : LE PHOENIX QUI RENAIT DES CENDRES

« On ne naît pas femme mais on le devient ». Cette phrase angélique de Simone de Beauvoir a été le catalyseur du mouvement de lutte pour l’amélioration de la condition féminine à travers le monde.
Si l’on parle aujourd’hui des grandeschanteuses kabyles à l’instar de Hnifa, Bahia Farah et Chérifa, on peut accorder sans ambages une place de choix à Aldjia. Ses textes, sa voix douce, suave et envoûtante, accompagne des rythmes variés. Musique et voix lui font gagner un public de plus en plus nombreux. Ses fans ne cessent de se multiplier aussi bien en France qu’en Afrique du Nord.
Après une éclipse qui a duré une décennie environ, Aldjia nous revient avec un nouvel album intitulé « la femme » (Tamettut) véritable plaidoyer pour la femme Kabyle. Comme toutes les femmes de Kabylie, Aldjia a évolué dans un environnement traditionnel dominé par des interdits de toutes sortes.
Aldjia a commencé à chanter en allant à la fontaine (tala). Antiques complaintes, fredonnées par les femmes vaquant aux travaux des champs, ou chants interprétés par des ténors de la chansonkabyle de l’époque telles Bahia Farah, Hnifa, etc. chanteusesauxquelles la future artiste s’identifiera.
En quittant sa terre natale à l’âge de onze ans avec ses frères et sœurs pour suivre ses parents en France, Aldjian’imaginait pas pouvoir chanter un jour sur une scène, devant un public parce que la tradition ne le permet pas et pourtant...
Après un cursus scolaire normal, elle étudie dans une école de Haute Couture car elle avait une grande passion pour la mode...
Il faut savoir qu’au moment où Aldjiaannonce son désir de devenirchanteuse à sa mère, cette dernière s’effondre. Dans la culture kabyle, il n’est pas aisé de faire de la chanson son métier. Lachanteuse est assimilée à une femme de mauvaise vie, femme perdue, de mauvaise famille et livrée à elle-même, voire dépravée et débauchée. Le lourd fardeau, qui pèse sur elle ne l’empêche pas d’aller au bout de son projet. Rien ne l’arrête ni le tabou social, ni le regard des autres, elle décide d’aller au bout de son rêve en réussissant dans la chanson.
En 1979, Aldjia doit surmonter un double défi : le premier lié aux difficultés rencontrées dans son métier de modéliste et le second lié aux tabous encore plus pesants pour une femme.
A vingt-deux ans, Aldjia, après un bref passage dans le groupe Djurdjura, enregistre un premier 33 tours en duo avec Ait-Meslayen. En 1982, Fahem, au sommet de sa gloire, a le mérite de la présenter à son public en la propulsant avec deux titres phares : « A RubbaN’ Chach » et « Anezhu, Anehlu ».
Il est un fait patent que Aldjia se singularise amplement de beaucoup d’autres par une voix douce et juvénile à la fois. Elle chante, l’amour, le chagrin, la mélancolie, la tristesse ou la joie avec une voix qui ne laisse personne insensible. Ceux qui l’écoutent sont transportés dans l’ambiance typique des villages kabyles, le mélomane est titillé, caressé et frissonne intérieurement.
Après quelques galas à Paris et en province (Lille, Grenoble et Marseille),Aldjia décide de se retirer un moment de la scène artistique pour se consacrer à l’éducation de ses trois enfants. Aldjia sait qu’elle reviendra à la chanson car la musique lui colle à la peau et son époux l’a toujours soutenu et encouragé dans sa voie.
Après un come-back en 1999, Aldjiarevient en 2001 et en 2004 avec deux nouveaux CD inédits « Taqâat N’Remman » et « Abzim » dont la promotion n’a malheureusement pas été assurée correctement par l’éditeur.
Comme à l’accoutumée, l’artiste a encore préféré opter pour un style folklorique. Avec des textes bien ficelésAldjia confirme son talent en fignolant soigneusement son travail pour son CD édité en juillet 2004.
Il est navrant de constater que les organisateurs de galas et les responsables de certaines associations culturelles ne fassent pas appel à elle.
Aujourd’hui, Aldjia revient avec un nouvel album contenant une mosaïque de dix thèmes riches et variés avec des titres comme (Inebgawen, Ad ruhegh, Tamettut, Tidets yellan etc.
Par ses dons poétiques, Aldjia rend un hommage émouvant aux grandes dames de la chansonkabyle de l’immigration en l’occurrence Hnifa, Bahia Farah et Aït-Farida ... Dans la chanson « Inebgawen » (Les invités)Aldjia chante, sur un air de fête, un texte assidûment travaillé et peaufiné. La condition féminine est aussi évoquée dans une chanson qui est un plaidoyer pour la femme kabyle. Dans cette chanson phare, la chanteuse dénonce le sort réservé aux femmes. S’il est de bon ton de dire que l’on doit avoir de la considération et du respect pour la femme dans la réalité il en est tout autre.
Dans une autre chanson, « Tayri’wTehzen », Aldjia fustige, avec un courage rare, les siens qui ne lui ont donné que de l’amertume au point de lui faire haïr son sort. L’ingratitude des hommes est évoquée, car lorsqu’on a tout donné à quelqu’un, la trahison est difficile à accepter. La séparation est le thème d’un autre texte. Aldjia parle du départ d’un être cher et du vide laissé, par celui-ci, douleur encore plus vive lorsque le décès arrive de manière brutale.
Aldjia, qui a de grandes valeurs morales, est d’abord mère avant d’être femme. Par conséquent, c’est une valeur sûre et positive de la chansonkabyle à l’instar des plus grandes divas.
Le nouvel album de Aldjia doit être mis en vente fin décembre, aux ÉDITIONS Berbères. Dès qu’il sera en notre possession, nous mettrons quelques extraits afin de faire découvrir, à ceux qui ne la connaissent pas, sa voix qui ne peut laisser personne insensible. La nostalgie et la douleur sont chantées par une voix suave et émouvante qui fait frissonner ceux qui l’écoutent.
Mohand HAROUZ (France)

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